L’UMA : rêve ou utopie

umaaLe niveau de représentation des ministres des affaires étrangères à la réunion de l’UMA, tenu le 7 mai 2015 à Rabat, ne dégage pas une volonté des pays concernés de désamorcer la relance de l’UMA.

Les maghrébins ont cru au moment de la création de l’UMA en 1989 que le nationalisme maghrébin et la profonde aspiration des peuples ont enfin triomphé. Ils sont contraints d’admettre aujourd’hui cette amère réalité et donc de reconnaitre l’impasse dans laquelle se trouve le développement solitaire dans le seul cadre national de chaque pays.

Malgré l’actuelle situation, l’espérance n’est pas brisée. La vocation maghrébine n’est pas une utopie mais une chance pour ses peuples. Ce sera la continuation d’une longue histoire par-delà les obstacles, l’unité maghrébine pour les peuples n’est pas dû uniquement à une préoccupation purement passionnelle et passéiste, elle entrevoit le moyen de dépasser la situation actuelle pour le moins morose dans laquelle se débat chacun des pays. Cela suppose que la décision politique soit capable de sortir de ces limites issues du nationalisme post-indépendantiste. La chance d’un Maghreb réel restera donc liée au dialogue et à la conviction.

Il ne suffit pas de dire que les pays maghrébins sont liés par une communauté de destin : géographie, religion, histoire et langue. Affirmations générales qui ne rendent pas compte de la complexité et de l’hétérogénéité ni des sociétés ni de leurs transformations. Malgré des perspectives favorables, on ne peut occulter les divers obstacles qui jalonnent le chemin conduisant à une véritable intégration du puzzle maghrébin. Des difficultés multiples que l’on peut retrouver au niveau d’autres tentatives d’intégration régionale qui entravent fortement l’édification du Maghreb et qui constituent autant de défis dans cette entreprise. Les relations entre les Etats, avant d’être humaines et culturelles, sont d’abord d’ordre politique et stratégique.

N’est-il pas possible de constituer, à l’instar du couple franco-allemand qui a joué un rôle moteur dans la construction européenne, un couple algéro-marocain, dont chaque membre serait lié l’un et l’autre par des solidarités plutôt que des rivalités ?

Deux grands défis continuent de peser sur l’environnement stratégique du Maghreb : le premier attrait à l’évolution interne de chaque pays de la région, le second est qu’il n’y aura de stabilité dans la région sans une ouverture politique, plus de démocratie et de meilleurs choix économiques

L’Europe n’a pas été édifiée par la seule volonté des gouvernants. La société civile au Maghreb a un rôle déterminant à jouer : celui des communautés de base qui sont les repères culturels. Cette société civile adopte malheureusement aujourd’hui un comportement passif dans les domaines qui lui semblent relever exclusivement du pouvoir de l’Etat. Ceci est dû au fait que dans certains pays maghrébins, l’étatisation de la société a conduit à l’étouffement des groupes sociaux. Contrairement au mouvement associatif dans les pays européens, la société civile au Maghreb a une existence récente, une assise sociale faible, démunie de moyens et dépendante des pouvoirs publics. Ce qui préoccupe aujourd’hui, c’est le silence, c’est la paralysie, l’inertie, l’entropie, le manque d’initiatives et de décisions qui frappent les hommes et les femmes du Maghreb, gouvernants et gouvernés. On dirait qu’au Maghreb tout le monde est victime d’un mal dont il ignore la cause.

Mais cela ne suffit pas ; les expressions douloureuses, parfois exprimées à titre individuel, n’ont pas eu l’écho souhaité, et l’amertume sur la situation actuelle a parfois atteint son paroxysme, tel cet article paru dans le journal le Soir d’Algérie n°4918 du 7 février 2007. Dans la rubrique Pause-Café, l’auteur compare les difficultés actuelles dans la circulation des biens et des personnes à l’intérieur du Maghreb aux facilités pendant la période coloniale : « Ah! Si l’UMA n’existait pas ! la première fois que je suis monté dans un train, j’avais à peine 4 années et c’était pour aller en Tunisie. Ni passeport ni devises : l’argent d’ici était accepté là-bas! C’était la colonisation et il n’y avait pas d’UMA ! Plus tard, je me suis rendu au Maroc à travers le poste de Zoudj-Beghal. Je ne suis pas allé en Lybie, mais beaucoup de jeunes s’y rendaient sans problème. Maintenant, il n’y aplus de train en circulation entre l’Algérie et la Tunisie, et le dinar algérien n’est pas accepté en Tunisie. Le poste de Zoudj-Beghal est fermé, ainsi que tous les autres passages frontaliers entre l’Algérie et le Maroc ! Et il nous faut désormais un visa pour aller en Lybie ! Vraiment, l’UMA, ça a fait beaucoup de bien au Maghreb ! »

La signature de l’acte de naissance de l’UMA en 1989, nourrissait beaucoup d’espoir de voir un rapprochement entre les pays de la région reléguant à un second rang la question du conflit du Sahara. Mais l’attitude de l’Algérie déclarant soutenir implicitement et explicitement les séparatistes sahraouis, entraine une véritable hémorragie des fonds dans les deux pays. La course aux armements, particulièrement du côté algérien, est lancée au détriment de la construction de la région. La question de la coopération maghrébine ne saurait être détachée du contexte stratégique. Le terrorisme et la poudrière sahélienne, une menace qui ne peut plus tolérer ni malentendu ni conception divergente. Cette situation de désarroi renvoi au calendrier grec, l’idéal maghrébin mais pire encore encourage les formes d’extrémisme et de radicalisme.

L’Algérie et le Maroc n’ont pas connu de passé de guerre entre eux, malgré quelques heurts. Les plus méchantes escarmouches ne représentent rien à côté des étripages massifs qui ont divisé les peuples d’Europe durant des siècles. Malgré ce passé belliqueux et meurtrier, la France et l’Allemagne ont su se réconcilier, constituant le moteur de l’Union Européenne. . Enfin il ne faut pas oublier que le sort sur le conflit sur le Sahara marocain conditionne et de loin l’avenir de la région maghrébine.

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