Maghreb : le soufisme, patrimoine d’unité et d’épanouissement culturel et spirituel.

soufismeIl ne faut pas appeler moderne la société qui fait table rase du passé et des croyances mais celle qui transforme l’ancien en moderne sans le détruire. Celle qui sait même faire en sorte que la spiritualité devient un appel à la conscience. Au Maghreb le soufisme sunnite propose à ses partisans une pratique spirituelle soutenue par un discours tout à fait conforme aux doctrines mystiques et aux contextes socioculturels.

A partir du début du 20ieme siècle, les confréries soufistes au Maghreb avaient pris conscience du but moral et missionnaire qu’elles s’étaient données. Elles cherchent à réassimiler l’enseignement de leurs grands maitres, tout en défendant âprement de ce qui leurs est reproché, modifiant leurs rites et illuminant peu à peu le formalisme dans lequel elles s’étaient enlisées. Elles redeviennent ce qu’ils étaient à l’origine, un refuge pour ceux qui cherchent Dieu, un instrument de réforme dans une société avilie par une existence de confort et de luxe.

Ces confréries ont toujours été vigilantes pour se prémunir contre l’intrusion dans leurs rangs de l’intégrisme et d’une fausse et dangereuse pureté. Elles deviennent des écoles représentantes des tendances diverses et dont les efforts ont été bénéfiques pour la société, dans sa quiétude et sa spiritualité. Car la pensée soufiste maghrébine, malgré ses dehors sévères, demeure conciliatrice dans son essence. Elle s’est donnée pour devoir principale de sauvegarder l’unité des musulmans maghrébins, loin des divergences sectaires et dogmatiques, politiques et idéologiques. Symbolisant l’islam populaire au Maghreb les confréries soufistes établissaient des relations entre l’homme et le divin, concret et affectif, et les rapports qu’elles entretiennent avec les Oulémas et les juristes sont complémentaires et même d’alliances étroites.

A la recherche de la paix des âmes, les confréries s’installaient souvent dans les zones périphériques et sahariennes, on peut lire dans la page 61 du tome 1 de l’encyclopédie coloniale et maritime de l’Algérie et du Sahara, édition 1946, ce passage sur les soufistes : « on trouvait ceux-ci dans presque toutes les campagnes algériennes, la plupart se prétendait d’origine chérifienne et déclarait venir d’un pays fabuleux du sud marocain appelé Saguiat Al Hamra (le ruisseau rouge dans le Sahara marocain). Accueillis dans les tribus, où ils apportèrent la bénédiction, ils y avaient établis des zaouïas et y avaient fait régner une paix et une quiétude relative. Les confréries y avaient fondée des filiales et étendaient leurs réseaux sur toutes les campagnes. »

Le soufisme maghrébin se prolonge à l’Est jusqu’en Egypte, au Sud jusqu’aux pays de l’Afrique de l’Ouest. Deux branches importantes du soufisme, la kadira et chadilia, se sont épanouies sur la terre maghrébine, mais les confréries les plus actives sont la tijania et la boutchichia, ainsi que certaines ramifications de la kadira et la derkaouia. La terre maghrébine a connu depuis le 11ième siècle des Maitres illustres, dont le rayonnement peut être considéré comme universel, c’est le cas Abou Medyane GHouat Ibnou Machich Achidili. La confrérie Aissaouia est la plus implantée dans plusieurs villes au Maroc, en Algérie en Tunisie et en Lybie. Elle a été fondée au 16ieme siècle à Meknès par le Chérif de la branche des Idrissides, Mohammed Ben Issa, « cheikh Elkamel, (le maitre parfait) », son rituel parfois présenté comme folklorique se veut involontairement réducteur et dissimule aux yeux de néophytes, sa portée symbolique.

Le soufisme est ainsi un facteur unificateur à titre d’exemple, le rassemblement annuel des Ouled Bousbâa qui viennent du Sahara, de la Mauritanie et d’autres régions à l’occasion du Moussem de leur ancêtre Sid el Mokhtar de la province de Chichaoua. Les Ouled Bou Sbâa, chorfas, dont l’ancêtre fut Sidi Amar, un savant parmi les plus remarquables et dont la réputation de sainteté s’est répandu au Maroc et ailleurs. Sous le règne du sultan Moulay Hassan 1er se produisait la principale migration des Ouled Bou Sbâa, celle qui allait leur permettre de jouer un rôle politique.

Le Tassaouf ou soufisme est toujours bien vivant dans toute la société maghrébine conférant à l’islam toute sa dimension spirituelle. Il évolue et se modernise constamment, apportant des remèdes à certaines dérives religieuses entretenues par des courants extrémistes et nihilistes qui tentent aujourd’hui d’occuper au Maghreb le devant de la scène même par violence.

Pour les pays du Maghreb le soufisme peut jouer le rôle de passerelle fédératrice, car l’avenir est à la quête de l’harmonie et de la fraternité pour faire face à tous les porteurs de germes déstabilisateurs. En observant comme il a vécu et survécu au Maghreb malgré les mouvements de turbulences, le soufisme, patrimoine d’unité et d’épanouissement culturel et spirituel peut servir de miroir de vérité pour les aspirations les plus ardentes des peuples de la région

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