Exclusif : endoctrinement obtient un entretien avec un ancien commissaire politique du Polisario

C’est en Espagne, dans la région de Murcia, qu’endoctrinement.com a pu retrouver cet homme d’une soixantaine d’année, qui fut chargé pendant vingt ans de veiller au suivi de la « ligne » révolutionnaire et de la formation des « cadres » du Front Polisario. Le commandant Mokhtar habite maintenant  une petite banlieue tranquille, et rien ne semble le différencier des autres retraités espagnols, si ce n’est qu’il a eu une existence un peu particulière : il a été un spécialiste des opérations psychologiques dans un mouvement révolutionnaire.
Endoctrinement.com : quand avez-vous rejoint le Front Polisario ?
Commandant Mokhtar : j’étais étudiant au Maroc vers la fin des années 60 lorsque j’ai rencontré pour la première fois les frères qui allaient constituer le mouvement. Nous étions alors dans une mouvance de gauche. J’étais, pour ma part, maoïste, ce qui, à l’époque, comptait énormément car nous nous opposions aux trotskistes et aux léninistes. J’ai rejoint la clandestinité très tôt, vers 72, puis j’ai rencontré El Ouali Mustapha Sayed, qui allait devenir le leader du mouvement, et qui mourra trop tôt. Après la proclamation de la RASD, j’ai été nommé responsable de la formation  des jeunesses révolutionnaires.

Endoctrinement.com : en quoi consistait cette tâche ?
C.M : J’étais assisté par un militaire cubain, dont je traduisais les paroles aux autres sahraouis qui encadraient les jeunes. Typiquement, nous enseignions aux jeunes la doctrine révolutionnaire, la lutte des classes, un peu de Karl Marx, bref, une sorte de « mixture révolutionnaire » que nous adaptions au fur et à mesure. Les cours duraient quatre à cinq heures, en extérieur, puis nous faisions des exercices physiques sous la direction des cubains, qui apprenaient aux jeunes les techniques de guérilla.
Endoctrinement.com : quelle était la moyenne d’âge ?
C.M : A l’époque, nous étions en guerre, et ça dépendait de la réalité militaire, quand le Maroc remportait quelques batailles, nous étions obligés de « piocher » dans le réservoir, et prenions des jeunes entre 8 et 12 ans, pas pour les envoyer au front, mais juste pour les préparer psychologiquement, nous croyions que la guerre durerait toujours. Nous entrainions ces jeunes à des tâches « sans risques », recharger les armes, relayer des informations, etc. Mais en 1979, les choses ont changé, avec l’intervention russe en Afghanistan, nous recevions moins d’aide de la part de l’URSS, et nous avons du, avec l’aide de nos camarades cubains, « durcir » la formation.
Endoctrinement.com : qu’entendez-vous par « durcir »
C.M : Nous avons abandonné le « manuel », et recentré la préparation psychologique sur la haine du Maroc, puis les dirigeants du Front Polisario nous ont demandé d’ajouter des cours d’éducation islamique. Mes connaissances théologiques étant limitées, ils ont fait appel à des prédicateurs, qui prenaient le relais de nos cours, qui devenaient de plus en plus court. C’était le début des années 80, et une vague radicale soufflait sur le Maghreb, en provenance des pays du golfe. L’appel au « Djihad » a peu à peu pris le pas sur l’appel à la « révolution ». C’est cette situation dramatique  qui m’a poussé » à quitter Tindouf pour venir en Espagne en 1989. Vers la fin de la même année, j’ai vu le mur de Berlin tomber à la télévision, et tout ce en quoi j’avais cru, tout ce que le Polisario nous avait fait croire pendant des années s’est effondré : la révolution était morte.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *