La logique schizophrénique du pouvoir algérien.

Il est toujours dur de reconnaître que ceux qui ont choisi, pour des raisons d’opportunisme révolutionnaire, l’égoïsme et l’aveuglement continuent de vivre dans un délire générant un refus d’admettre les changements intervenus ailleurs. Est-ce que le pouvoir algérien se trouve dans ce cas ? Il y a quelques années, personne n’aurait pensé continuer à soulever la question et toute la raison incitait à croire qu’il y aurait en Algérie rupture avec le passé.
La crise algéro-marocaine actuelle oppose essentiellement le pouvoir algérien au peuple marocain. Personne ne peut prétendre que le premier exprime fidèlement les sentiments du peuple algérien. Si cela devrait être le cas, le conflit prendrait à coup sûr une autre dimension. Comme il ne semble pas que les marocains nourrissent de préventions contre les algériens individuellement ou collectivement.
Le différent algéro-marocain est la conséquence inéluctable d’une certaine politique choisie par les dirigeants algériens, en ce sens, qu’on peut affirmer qu’elle a été voulue par eux. La perspective s’en dessiné depuis 1965, ils n’ont rien fait pour l’éluder. Un jour, on mettra en lumière les vraies causes de ce choix désastreux, mais il est exclu qu’on puisse y faire figurer un jour les intérêts vitaux du peuple algérien. Si les dirigeants algériens pensaient sincèrement que la question du Sahara est vitale pour l’avenir de leur pays, ils auraient permis un dialogue fructueux entre forces politiques des deux pays, et la crise aurait certainement été maintenue dans des limites raisonnables. Encore, faut-il préciser qu’on pourrait comprendre à la rigueur que l’Algérie tienne à garder coûte que coûte ce qu’elle administre. Mais comment justifier qu’elle veuille empêcher le Maroc de récupérer une partie de son territoire, qu’elle prétend ne pas revendiquer.

Avant de parler d’un équilibre régionale à sauvegarder, les dirigeants algériens ont soutenu à l’ONU qu’ils n’étaient ni pour ni contre le rattachement du Sahara au Maroc, mais qu’ils défendaient une procédure de décolonisation, devenue un fondement du droit international. L’Algérie en tant que membre influent de l’OUA avait rejeté cette procédure pour le territoire de Cabinda, qui comme d’autres territoires coloniaux, n’a été rattaché à l’Angola que pour des raisons de commodité, qu’en tant que membre de la Ligue Arabe, l’Algérie a refusé le droit à l’autodétermination aux Kurds, qui sont officiellement considérés en Iraq comme un peuple distinct. Ces exemples sont présentés pour faire comprendre la profondeur de l’outrage ressenti par les marocains de toute tendance et de toute condition devant l’attitude algérienne. Vue du Maroc, la politique des dirigeants actuels de l’Algérie continue celle des gouverneurs activistes d’Alger pendant la colonisation, tels que Jouhard, Revoil et Cambon.
Certains milieux proches du pouvoir algérien sont allés jusqu’à soutenir que la province de Tarfaya rétrocédée depuis 1958 par l’Espagne au Maroc et litigieuse ceci dans le but évident de rendre contestable la récupération par le Maroc de son Sahara. Or, cette thèse a été soutenue pendant longtemps par de militaires français et a servi à justifier l’opération « Ecouvillon » montée en 1958 contre l’armée marocaine de libération pour chasser l’autorité coloniale espagnole ou au Rio De Euro « Oued Eddahab ».
Maroc Algérie, deux voisins qui ne jouent pas la même partition, et se trouvent chacun dans un vecteur historico-politique. Il ne faut donc pas s’étonner du fait que l’Algérie continue à emprunter les paradigmes d’une ère belle est bien révolue, celle du tiers-mondisme puriste et de la guerre froide. Il ne faut pas s’étonner non plus de la pérennisation de l’adversité algérienne à l’encontre du Maroc. Mais pour la cohérence de sa démarche, le pouvoir algérien aurait pu, au moins, faire l’économie pour justifier sa position sur le Sahara du recours au paravent fallacieux de slogans creux comme le soutien au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et son corollaire l’autodétermination.
Des armes, toujours des armes, des mots, toujours des mots, une obsession d’hégémonisme affichée dans laquelle l’Algérie compte sur son impressionnant arsenal militaire et ses immenses réserves d’hydrocarbures. Alors que le pouvoir algérien connaît bien le Maroc et les marocains et leur détermination à défendre la marocanité de leur Sahara. Détermination que la longévité du conflit n’a pas ébranlée. Le pouvoir algérien, qui n’avait pas d’autre choix que de rentrer dans une confrontation directe avec le Maroc, a multiplié des tentatives pour entraîner l’ONU dans ses manœuvres afin de légitimer toute éventuelle escalade dans le conflit. C’est donc pour ces raisons que le pouvoir algérien considère que sa position ne peut être conforme à celle de l’ONU, que si celle-ci est infidèle à elle-même. Or, si l’ONU suivait la voie que lui propose l’Algérie, c’est qu’elle perdra sa raison d’être, c’est-à-dire, la recherche de la paix dans le réalisme. Nombreux précédents ont démontré que les résolutions du conseil de sécurité et les recommandations de l’assemblée générale de l’ONU n’ont jamais permis, par elles-mêmes, de régler des questions touchant à l’intégrité territoriale des Etats membres de l’organisation internationale. Dans le meilleur des cas, elles offrent une légitimation procédurale d’un accord dont les éléments se trouvent avoir été imposés par l’évolution de la situation dans le territoire objet du litige comme c’est le cas du Sahara.
En raison de la logique schizophrénique, qui s’est emparée des dirigeants algériens, le discours prononcé par le Roi Mohammed VI le 6 Novembre 2008 à l’occasion de l’anniversaire de la Marche Verte, a non seulement été critiqué mais n’a pas été décrypté dans sa profonde portée par les responsables algériens. Il s’agit d’un appel à la conscience et à un indispensable effort de construction intellectuelle, à la fois imaginatif et novateur, qui doit interpeller les élites et l’ensemble de la famille politique algérienne, et constituer sa préoccupation première avant que ne survienne l’irréparable face au danger qui risque de mettre en péril la paix et la stabilité de toute une région sensible.

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