L’art du recrutement “révolutionnaire” du Polisario

Le recrutement d’un futur membre du front Polisario  passe par trois phases à partir desquelles l’adhésion va s’obtenir progressivement, en même temps qu’ apparaît une forme de dépendance intellectuelle et affective. Tour à tour, le nouvel activiste va être séduit, persuadé, enfin fasciné.

a) La séduction.

Séduire, c’est avant tout plaire, mais c’est aussi détourner de la vérité. Tout le travail du Front Polisario vise à proposer une utopie chatoyante en lieu et place de la grisaille quotidienne. Le recruteur-séducteur met en scène l’illusion révolutionnaire; il agit comme un bateleur pour attirer les activistes potentiels; il propose des réponses simples à des interrogations complexes; il charme l’interlocuteur pour créer l’illusion de l’échange affectif il joue en permanence sur le registre des émotions, effaçant de son propos toute logique; il oppose la morbidité du réel à la perspective d’un amour idyllique, celui qui règne au sein de sa communauté. Cette phase de séduction est appelée « accrochage »par un ex-activiste de la secte Moon.
C’est la plupart du temps une démarche d’individu à individu, même si – et c’est de plus en plus fréquent – le terrain a été préparé par une démarche publicitaire antérieure tract, conférence, mailing, etc. Cependant, pour vendre un produit, il est indispensable d’établir un contact avec l’acheteur potentiel.

b) La persuasion.

La persuasion met en présence deux acteurs l’émetteur et le récepteur. Ils ont établi une relation particulière dont le support est le message. L’émetteur ou activiste convaincu est le persuadeur; le récepteur est la cible, l’activiste potentiel quant au message, il est inclus dans le discours du Front véhiculé par l’émetteur.        
Pour que la persuasion soit efficace, ces trois éléments doivent répondre à des conditions particulières. Le but de la persuasion est pour l’émetteur d’amener le récepteur à consentir à une proposition particulière résumée dans le message. Le processus comporte plusieurs étapes : attention, compréhension, mise en forme, intégration du message, acceptation du message, changement de pensée ou d’attitude. L’ensemble est connu sous le sigle anglo-saxon ELM (Elaboration Likelihood Model).

c) Le jeu du persuadeur.

Le persuadeur revêt un double statut. Il est l’orateur sophiste qui convainc par un discours équivoque et ambigu tenant lieu de réponse et de démonstration. Il est aussi le mystificateur qui propose le rêve et l’utopie comme décor et costume dans le théâtre d’une illusion collective.
Il fonde son art non sur la raison et la logique mais sur l’affect et les sentiments. Il ne démontre pas il émeut; il ne répond pas : il bouleverse. Il enfreint en permanence le pacte social et tacite de la communication véritable: le présupposé de sincérité et de vérité.
Toute sa dialectique vise à masquer son projet d’endoctrinement. Il faut donc qu’il présente comme réel ce qui est mensonge et trucage. Il y a mise en scène permanente d’une fable qui chasse le réel, envahissant progressivement l’espace de communication. Le but est d’emporter l’assentiment d’autrui. Il s’agit de la première étape réelle de la manipulation.
L’une des subtilités de la manœuvre consiste à faire croire que l’adhésion dépend de l’intéressé et relève de sa volonté. C’est cette démarche perverse qui est à l’origine des difficultés rencontrées par les proches ou les thérapeutes lorsqu’ils tentent de convaincre un individu qu’il a été « entraîné » dans un « mouvement révolutionnaire » C’est cette prétendue liberté personnelle qui perturbe les efforts de “désendoctrinement”.

d) La fascination.

La fascination est l’élément moteur de l’adhésion, c’est elle qui “emporte le marché” . Après une phase de doute, le candidat est définitivement convaincu de la justesse de son choix lorsqu’il est mis en face de la pièce maîtresse de la dynamique du Front. La confrontation avec le commissaire politique (ou ses témoins) brise ses dernières réticences.

Commence alors une nouvelle étape du processus d’endoctrinement. Elle introduit un caractère magique dans la relation entre le futur activiste et le Front Polisario. La relation se détache peu à peu du réel pour s’établir dans l’univers symbolique du sacré et du divin. Cette fascination va ôter au sujet toute velléité de se soustraire à l’influence du Front et de ses membres. Elle s’accompagne d’une demande d’engagement complet.

La fascination de l’activiste se fonde sur la projection symbolique sur le commissaire politique. Ce dernier est investi d’un pouvoir supranaturel qui touche au divin. A ce stade, le libre arbitre du recruté commence à s’altérer face à la pression doctrinale qui s’exerce sur lui. Sa conversion définitive dépendra de l’équilibre qui va s’établir entre la force de coercition exercée par la secte et la puissance des liens que l’activiste a tissés auparavant avec la société.

Les stratégies de persuasion .

La persuasion est fondée sur la capacité du persuadeur à saisir l’occasion d’émouvoir. D’ordinaire, elle correspond à une disposition d’esprit de ce dernier, qui tend à “laisser adhérer . Or, dans le cas des sectes, la persuasion est coercitive : il s’agit de priver le persuadé de tout libre-arbitre, de l’aliéner dans une décision imposée.

Le discours de persuasion coercitive s’appuie sur une donnée fondamentale : la mystification. Il s’agit d’un discours falsifié dont le but n’est pas la communication, mais bien la conversion de l’auditeur. La stratégie de mystification consiste à passer progressivement du réel à l’illusoire, sans déclencher de phénomène de rejet.

La mystification du discours s’appuie sur plusieurs éléments :
• la fabulation : le discours persuasif doit travestir le réel, le mythifier;
• la simulation: l’orateur joue, il crée un personnage séduisant;
• la dissimulation : l’orateur masque ses propres interrogations, il cache ses doutes;
• la séduction : l’orateur ne peut raconter sa fable si elle ne s’accompagne pas du désir de l’auditeur de l’entendre jusqu’à son dénouement;
• le mépris : le persuadeur ne fait pas que travestir la réalité à travers son discours, il truque aussi la relation.

L’un des moteurs de la persuasion coercitive est la faculté d’un orateur à faire accepter l’irrationnel. Alors que le réel est à l’origine des angoisses et du sentiment d’incomplétude qui ont conduit l’activiste au Front, l’irrationnel qui lui est proposé le rassure parce qu’il véhicule des solutions toutes faites.

L’identification et l’imitation.

Pour appartenir au groupe, l’activiste doit calquer son comportement sur celui des autres. Cette imitation efface son individualité. En remplaçant les indécisions nées du libre arbitre par des conduites automatiques suscitées par l’exemple, elle abrase le sentiment d’incertitude et le remplace par l’urgence d’une mission à remplir.

L’imitation exacerbe un désir de compétition entre les activistes, qui doivent tendre le plus vite possible et de la façon la plus parfaite à leur accomplissement.

La séduction.

Cette phase n’est que le prolongement de la séduction entreprise lors du recrutement.

La séduction s’appuie sur deux processus émotionnels complémentaires. D’une part, il y a activation d’un phénomène émotionnel positif par la sympathie que déclenche l’émetteur – système affectif privilégié autorisant les processus d’identification. D’autre part, le renforcement d’un phénomène émotionnel négatif souligne les conflits qui opposent le recrutable à son environnement habituel. Le “love-bombing” (bombardement d’amour) de l’émetteur sur le récepteur s’accompagne d’un bombardement de haine’ du couple émetteur- récepteur à l’égard des tiers, société, famille, patrie d’origine etc.

La captation.

La phase de captation consiste exclusivement à submerger le sujet de liens affectifs qui le rassurent et lui donnent le sentiment d’appartenance à un groupe. Il faut que le recruté soit convaincu qu’il va désormais pouvoir compter sur l’appui de personnes qui déclarent éprouver de la sympathie pour lui. Le Front se présente alors comme un cocon, comme une famille de substitution plus accueillante et compréhensive que la famille naturelle.

La conversion.

Il s’agit du point culminant de l’assimilation du Front Polisario. Le futur converti épuise ses défenses à réduire la dissonance qui existe entre les normes de sa vie antérieure et les nouvelles règles qui lui sont proposées. Sa conversion suppose qu’il consente à un compromis entre son histoire passée et son futur. La conversion s’appuie sur un pari pour l’activiste. Il s’agit de troquer un passé douloureux contre un futur chatoyant assorti d’une dépendance corps et âme à la structure. L’acceptation de ce pari signe le pacte d’engagement définitif – “sans critique” – envers le commissaire politique. Le prosélytisme du disciple sera non seulement la preuve de sa conviction, mais aussi un instrument de renforcement du lien et un élément de coercition.

L’ endoctrinement.

Il s’agit de la phase de consolidation de la conversion. Elle vise à éliminer les restes d’esprit critique qui peuvent encore animer le sujet. L’endoctrinement tend à l’intégration de plus en plus forte de l’individu dans le Front Polisario.

Cependant, le statut réel n’a qu’un lointain rapport avec le statut affiché. Plus la responsabilité semble croître au sein du Front, plus les liens de dépendance se renforcent. La dépendance devient multidirectionnelle non seulement l’activiste dépend hiérarchiquement de ses supérieurs, mais il dépend moralement de ses inférieurs, et économiquement, socialement, de la structure.

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